Le Secrétaire Général visite officiellement le Viet Nam, 16 avril 1979(UN Photos)

LA VISITE DE KURT WALDHEIM EN CHINE ET AU VIETNAM

par PHI-VÂN NGUYEN

traduction libre par  SIMON BOILY

janvier 2020


Le conflit entre la Chine, le Vietnam et le Cambodge était dangereux. Il ne semblait pas s’atténuer. Si le Vietnam continuait à occuper le Cambodge, la situation risquait d’ailleurs de se détériorer. Que pouvaient faire les Nations Unies dans ce contexte ? Kurt Waldheim, le Secrétaire Général de l’ONU, fit une tournée officielle en Asie. Il s’arrêta dans plusieurs pays afin d’y promulguer la paix et de trouver une solution à la crise. Cela dit, les tensions entre le Vietnam et le Cambodge étaient prioritaires pour lui. Contrairement aux autres conflits de l’époque, celui-ci pouvait impliquer des puissances qui possédaient des bombes nucléaires.

 

Kurt Waldheim ne fut pas le premier Secrétaire Général à encourager la paix en Asie. Avant lui, U Thant avait tenté de neutraliser la guerre du Vietnam.1 Waldheim, en revanche, n’a pas été aussi persévérant. Dans ses mémoires, le diplomate se rappela de son travail en Chypre, en Palestine ou en Corée.2 Mais, en réalité le Secrétaire général n’était pas aussi déterminé. Il était prompt à se plier aux demandes des états membres et préférait éviter la confrontation.3 Sa gestion de la Troisième Guerre d’Indochine ne fut pas différente. Lors de son voyage en Asie, il proposa ses bons offices à la Corée du Nord et du Sud, ainsi qu’à la Chine et au Vietnam. Malheureusement, aucun d’entre eux n’accepta cette offre.4

La première visite à Hanoï

Entre les deux belligérants, le Secrétaire Général commença par Hanoï. Sur place, les officiers vietnamiens l’accueillirent chaleureusement. Ce fut la première fois que l’officier le plus haut placé des Nations Unies vint à Hanoï. Cette visite compléta le processus d’intégration du Vietnam dans la famille des Nations Unies. Elle mit sur pied un excellent début pour l’établissement de programmes de développement inter agences. En effet, la visite officielle avait été planifiée avant l’invasion du Cambodge.5 Initialement, Waldheim devait venir le 15 février 1979 afin de célébrer la contribution de l’ONU à la reconstruction du pays. La visite fut reportée à la fin avril à cause de la guerre frontalière sino-vietnamienne.6 Waldheim arriva à Hanoï le 26 avril. Les représentants vietnamiens se réjouirent de cette “visite d’amitié.” Ils savaient néanmoins qu’ils discuteraient des tensions politiques avec la Chine.7

Les représentants vietnamiens insistèrent sur le fait qu’ils n’étaient pas les responsables de la crise.8 Hanoï essaya de trouver une solution négociée avec la Chine. Mais, il y avait un point important sur lequel Pékin était en désaccord. D’après ce dernier, l’occupation du Cambodge et les tensions frontalières devaient être négociées ensembles. Mais selon Hanoï, ces deux problèmes étaient séparés l’un de l’autre.

Le Vietnam savait cependant, que les tensions chinoises et cambodgiennes étaient reliées. Nguyen Duy Trình, le ministre des Affaires étrangères expliqua : “immédiatement après la libération du Vietnam, la Chine encouragea les chefs kampuchéens à mener une guerre frontalière, afin d’empêcher l’aide humanitaire et de l’isoler à l’échelle internationale.”9 Les relations vietnamiennes avec les pays de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) étaient cordiales. De plus, Hanoï avait presque normalisé ses relations diplomatiques avec Washington. Seule l’invasion cambodgienne avait changé la dynamique de ces relations. Depuis, la Chine avait lancé une campagne diplomatique qui avait pour objectif d’ostraciser le Vietnam de la communauté internationale. C’est pourquoi les Nations Unies se devaient de soutenir le Vietnam.

Le Secrétaire Général discuta aussi de la situation au Cambodge. Il expliqua aux autorités vietnamiennes que la présence de soldats vietnamiens était inquiétante aux yeux de plusieurs états, et non pas juste pour la Chine. Les pays de l’ANASE se préoccupaient aussi de l’instabilité politique que l’invasion avait générée. Le premier ministre vietnamien, Pham Van Dong, maintint qu’il n’y avait pas de quoi s’inquiéter. Le Vietnam respectait l’indépendance de chaque pays. “Mais, ce que le Vietnam avait fait au Cambodge n’était pas une intervention. Le Vietnam était attaqué et il devait répondre. Pol Pot avait commis un génocide. L’offre d’aide humanitaire aux opprimés n’était donc pas une intervention.”10 Ainsi, la campagne militaire vietnamienne n’était pas une invasion, mais une intervention humanitaire.

Prochain arrêt, Pékin

Après sa visite à Hanoï, Kurt Waldheim passa une journée à Hô Chi Minh-Ville avant de se diriger vers Pékin. Ce n’était pas sa première visite en Chine. Le Secrétaire Général était déjà venu en 1972 peu de temps après l’adhésion de la Chine aux Nations Unies. Ce fut la première fois qu’un officier de l’ONU visita la République Populaire de Chine.

Le Secrétaire générale rend visite à la République populaire de Chine
À l'invitation du gouvernement de la République populaire de Chine, le Secrétaire Général visite la Chine du 11 au 15 août.

De gauche à droite, rangée de devant : An Chih-yuan, Conseiller, Mission permanente de la Chine à l'ONU; Neil Breen, Aide personnel du Secrétaire Général; Robert G. Muller, Directeur exécutif, Bureau du Secrétaire Général; Chiao Kuan-hua, Vice Ministre des Affaires étrangères de la Chine; Secrétaire Général Kurt Waldheim; Premier Ministre de Chine Chou En-lai; Mme Waldheim; Tang Ming-chao, Le sous Secrétaire Général du département des affaires politiques, des mandats et de la décolonisation de l'ONU; Anton Proshaska, Assistant personnel du Secrétaire Général; et Ling Ching. 13 août 1972 Péking, Chine (UN Photo)
Rencontre avec Hua Guofeng
Le Secrétaire Général rencontre Hua Kuo-feng, Président du comité central du parti communiste chinois et Premier du conseil d'état, le 6 août. 06 août 1977, Pékin, République populaire de Chine (UN Photo)
Discussions au sujet de la situation internationale
Le Secrétaire Général discute de la situation internationale avec le Ministre des Affaires étrangères de la République populaire de Chine, Chi Peng-fei. Assis à côté du Ministre des Affaires étrangères, se trouve Chiao Kuang-hua (3ème depuis la gauche), le Vice Ministre des Affaires étrangères.
De haut en bas sur la droite : Anton Proshaska, Assistant personnel du Secrétaire Général; Tang Ming-chao, Sous Secrétaire Général, Département des affaires politiques, des mandats et de la décolonisation de l'ONU; le Secrétaire Général ; et Robert G. Muller, Directeur exécutif du Bureau du Secrétaire Général.
Rencontre avec Chou Enlai
Le Secrétaire Général est salué par le Premier Ministre de Chine Chou En-lai dans le Palais de l'Assemblée du Peuple à Pékin le 13 août en soirée. 13 août 1972 Pékin, Chine (UN Photo)

Malgré avoir déjà effectué une visite visite, Waldheim n’eut pas plus de succès avec la Chine. Les autorités de Pékin étaient réticentes à discuter des tensions sino-vietnamiennes. Deng Xiaoping maintint que c’était une simple visite de courtoisie. Le premier ministre, Hua Guofeng, et le ministre des Affaires étrangères, Huang Hua, avaient déjà expliqué la position chinoise. D’après lui, l’Union soviétique “s’en était encore sortie” après son succès en Afghanistan.11 L’Union soviétique trompait à nouveau l’Occident avec une détente. Dans la réalité cependant, l’Union soviétique planifiait une conquête du monde. Moscou étendait son influence en Asie et en Afrique en utilisant le Vietnam et Cuba. Les pays de l’ANASE seraient ses prochaines victimes. Ni le Vietnam ni la Chine ne demandèrent au Secrétaire Général de faire usage de ses bons offices. Leurs négociations bilatérales ne faisaient pas de progrès non plus. Une solution à la crise devait donc être trouvée autrement.


CE QUI SUIT


References

  1. Voir Logevall, Fredrik. Choosing War: The Lost Change for Peace and the Escalation of War in Vietnam. Berkeley: University of California Press, 1999.
  2. Waldheim, Kurt. The Challenge of Peace. London: Weidenfeld & Nicholson, 1980.
  3. Fröhlich, Manuel, and Williams Abiodun. The UN Secretary-General and the Security Council: A Dynamic Relationship. Oxford: Oxford University Press, 2018.
  4. UN/Kurt Waldheim Files/ S-0987/0004/12 ‘Annual Report of the United Nations Secretary General to the United Nations General Assembly’.
  5. UN/Kurt Waldheim Files/ S-0987/0008/11 ‘Notes on a Meeting Held in the Secretary-General’s Office, 19 December 1978’.
  6. UN/Kurt Waldheim Files/ S-0987/0008/11 ‘Notes for the File From Rafeeudin Ahmed About Ha Van Lau’s Phone Call Proposing a Visit Commencing February 15, 5 January 1979’.
  7. UN/Kurt Waldheim Files/ S-0987/0008/11 ‘Notes on a Meeting in the Office of the Secretary-General on 15 March At 5.00 Pm’.
  8. UN/Kurt Waldheim Files/ S-0987/0008/11 ‘Notes on a Meeting At the Palace of the Presidency in Hanoi on 27 April 1979, 5pm-6.30 Pm’.
  9. UN/Kurt Waldheim Files/ S-0987/0008/11 ‘Notes on a Meeting Between the Secretary-General and the Foreign Minister of the Socialist Republic of Vietnam, M. Nguyen Duy Trinh, 26 April 1979’.
  10. UN/Kurt Waldheim Files/ S-0987/0008/11 ‘Notes on a Meeting At the Palace of the Presidency in Hanoi on 27 April 1979, 5pm-6.30 Pm’.
  11. UN/Kurt Waldheim Files/ S-0987/0008/14 ‘Notes on a Meeting Held During the Secretary-General’s Visit to Beijing, 1 May 1979, Present: The Secretary-General, Vice Premier Deng Xiaoping of the PRC, Vice Foreign Minister Chang Wen Ching of the PRC, Two Officials of the Foreign Ministry, Mr. Rafeeudin Ahmed, Ferdinand Mayrhofer-Gründhel, François Giuliani, 1 May 1979’.