LA MALADIE BRITANNIQUE

La réponse britannique à la crise des réfugiés de l'Asie du Sud-Est de 1979

SIMON BOILY

Mars 2021


Conditions à l’intérieur d’un camp de réfugiés indochinois à Hong Kong. 56

En 1979, deux crises s’imbriquaient en Asie du Sud-Est. L’une était humanitaire. Depuis 1975, les deux victoires communistes au Cambodge et au Vietnam déclenchèrent un exode massif dans la région. La situation ne fera que s’empirer lorsque la guerre éclata entre eux en 1978. L’autre était politique. Les tensions entre la Chine et le Vietnam menèrent à une invasion militaire brève, mais violente. Pour le Royaume-Uni, le sort de Hong Kong devint un enjeu important en Asie du Sud-Est. Alors que le territoire risquait de se faire inonder par des réfugiés indochinois, Margaret Thatcher se tournait vers la communauté internationale.

Le 31 mai 1979, Margaret Thatcher a convaincu la communauté internationale d’intervenir multilatéralement dans la crise des réfugiés de l’Asie du Sud-Est. 1 Cependant, le Royaume-Uni n’acceptera qu’un nombre remarquablement bas de ces réfugiés. Comment et pourquoi Margaret Thatcher a-t-elle voulu minimiser la participation de la Grande-Bretagne dans cette réponse internationale à la crise ?

Les études antérieures sur le rôle du Royaume-Uni dans la crise des réfugiés de l’Asie du Sud-Est portent sur l’accueil des réfugiés, ou sur la politique extérieure menée par Londres lors de la crise même. 2 Cependant, une analyse des archives de la première ministre montre que Thatcher proposa une réponse multilatérale à la crise pour limiter le nombre de réfugiés qui arriveraient en Grande-Bretagne. Cette réponse à la crise visait remédier à la « maladie britannique. » Ce concept fut mis de l’avant par certains journalistes et politologues afin de faire référence au sentiment de déclin au Royaume-Uni après la Deuxième Guerre mondiale. 3

Symptômes précurseurs de cette maladie britannique (1945-1978)

À l’aube de la Première Guerre mondiale, le Royaume-Uni était une puissance impériale qui recouvrait 25% des terres émergées du globe. Tout un système-monde composé de main-d’œuvre, de matières premières et de pied de terre stratégiques à travers le monde assurait aux métropoles anglaises les bénéfices d’un empire mondial. À peine trente ans plus tard, alors que la Deuxième Guerre mondiale se terminait, toutes les parties maitresses de ce système s’écroulèrent. Amputé de l’Inde, sa plus fière colonie, l’empire n’était plus que l’ombre de ce qu’il avait été. « Le système britannique survécut. Mais le coût de sa survie fut immense et le dommage collatéral, irréparable. » 4 D’autres nations, inspirées par l’Inde, revendiquèrent aussi l’indépendance nationale. Afin d’éviter une rupture complète avec les anciennes colonies, le Royaume-Uni dut faire un compromis. Ses relations entre les anciens territoires ne seraient plus impériales, mais désormais d’égal à égal. Un partage de ressources économiques plus réciproque et une certaine liberté de mouvement des « peuples de l’empire » seraient promus. En outre, les États-Unis remplacèrent la Grande-Bretagne en tant que puissance économique mondiale. Londres se retrouvait dans une situation de subordination, mitigée néanmoins par le rôle stratégique qu’elle tint face à l’Union soviétique dans la guerre froide. En réaction face à cette perte de puissance, le gouvernement britannique développa un État-providence dont l’objectif était de garantir aux Britanniques un bien-être matériel de base. Le peuple anglais avait droit à ces nouveaux services, ce qui le démarquait des autres peuples de l’empire. Pendant la même période, une nationalisation de la production créa un capitalisme britannique national. En effet, lors des trente glorieuses, le nationalisme économique britannique fut amplifié. 5

Pour certains, la perte de puissance britannique était une anomalie qui se percevait comme un déclin. David Edgerton appelle ce sentiment : « declinism. » 6 Certains intellectuels et leaders politiques tels qu’Enoch Powell –avocat de nationalisme xénophobe lors des années 1960s 7– commencèrent à évoquer cette perte de puissance sous la forme d’une menace existentielle. Son issue irrémédiable sous-entendait dans la logique du darwinisme social, l’extinction du peuple britannique. D’autres réagirent énergiquement à cette interprétation, en affirmant que le déclin n’était qu’une affliction temporaire, qu’il était urgent de corriger. La Grande-Bretagne souffrait d’une maladie. Aussitôt guérie, sa position privilégiée sur la scène internationale serait rétablie.

De tous ceux qui voulaient guérir la Grande-Bretagne de cette maladie, Margaret Thatcher fut la plus catégorique. Elle maintint les principes du nationalisme, du privilège et de l’exclusivité britannique. En effet, elle proclama : « (…) l’identité nationale, les États-nations et la souveraineté nationale sont les meilleures fondations pour un système international stable. » 8 Elle dit aussi en 1950 à une convention du parti conservateur :

« Nous sommes fiers du Commonwealth britannique et de son empire. Nous croyons qu’il a un rôle à jouer dans le futur du monde. Ses actions en 1939 préservèrent les principes de la liberté et de la démocratie face à l’extinction. Nous réaffirmons le principe de la préférence impériale, en croyant qu’il nous aidera en tant que les peuples de l’empire à résoudre nos difficultés économiques. » 9

Cette citation démontre à la fois une flamme impériale et un biais nationaliste. L’on y sépare « nous » et les « peuples de l’empire, » comme si on percevait deux classes de ce nouvel appareil impérial britannique. Margaret Thatcher utilisa ces sentiments en affirmant ouvertement qu’un afflux de réfugiés « submergerait » le peuple britannique et pourrait compromettre son caractère « diplomatique. » 10 D’après elle, les élus politiques « modérés » avaient perdu leur « courage moral » et laissaient passer des politiques d’extrême gauche quotidiennement, y compris des politiques de migrations libérales. 11 Il était impératif d’arrêter et de faire reculer l’arrivée des réfugiés en Grande-Bretagne. Le peuple britannique était d’accord. Effectivement, en février 1979 un directeur de logement remarqua en parlant d’un afflux de 2000 migrants « Sans vouloir être raciste… légalement nous devons les loger, mais je sympathise avec les gens locaux qui perçoivent une intrusion. » 12 Trop de migrants arrivaient selon ce courant d’idée et ils risquaient de compromettre la prospérité britannique.

Thatcher réussit à se faire élire en convainquant l’électorat qu’elle pouvait résoudre la « maladie britannique. » Dans son livre « The Path to Power, » elle juge que « L’avance du socialisme » 13est l’incarnation de la maladie britannique. Cet anticommunisme explique le relancement de la guerre froide avec l’aide du président Reagan lors des années 1980. 14

C’est en hiver 1979, bien connu au Royaume-Uni sous le nom du « Winter of discontent, » alors que de gigantesques grèves paralysèrent le secteur public, 15 que Thatcher comprit qu’elle était en position de gagner. « J’avais ma chance, mon unique chance. Je devais la saisir à deux mains. »16 En effet, ces grèves causèrent une grande colère chez les Britanniques non syndiqués. Ceux-ci commençaient à croire que les syndicats, symptômes de l’avance du socialisme, avaient trop de pouvoir. 17 D’après Thatcher, le peuple reconnaissait finalement aux urnes l’ampleur de la « maladie » socialiste.

Le point critique du malaise (1979)

Aussitôt élue en 1979, Margaret Thatcher fut confrontée à un problème qui risquait d’aggraver l’état de la maladie : la crise des réfugiés de l’Asie du Sud-Est. Le Royaume-Uni courait le risque d’accueillir plusieurs dizaines de milliers de réfugiés. Les intérêts britanniques dans la région étaient encore très importants, car Hong Kong demeurait l’un des derniers joyaux de l’empire. Le pouvoir colonial avait réussi à y instaurer un « système légal juste et respecté » 18 et profitait toujours de la production économique du territoire. Or, l’île avait déjà accueilli 30 000 réfugiés et en recevait 300 par jour en moyenne. 19 Le 23 mai 1979, 923 réfugiés venaient d’arriver à Hong Kong grâce au sauvetage en haute mer du M.V. Sibonga, un navire anglais. Faute de place, ces réfugiés devraient être accueillis directement au Royaume-Uni. Tous ces réfugiés auraient été une maigre addition aux 30 000 que la France et les États-Unis avaient accueillis respectivement. 20 Mais, le Royaume-Uni n’en avait accepté que 1923 depuis 1975. 21 Ce navire lui seul pouvait augmenter le nombre de réfugiés indochinois en Grande-Bretagne de presque 50%.

Voir la note consultative de Kurt Waldheim pour les statistiques qui constituent ce graphique sur le site web 57

De plus, plusieurs navires britanniques ayant secouru des réfugiés en haute mer éprouvaient des difficultés à trouver un port de débarquement et risquaient à leur tour de se diriger vers Hong Kong. Le M.V. Roach Bank porta secours à 293 réfugiés en haute mer. Son port d’escale le plus proche était Taïwan, mais les autorités locales refusèrent de laisser débarquer quiconque sans la garantie que 346 réfugiés ne soient accueillis directement au Royaume-Uni. 22 La Malaisie et l’Indonésie avaient agi de façon similaire en 1978 avec le Hai Hong, un cargo qui transportait plus de 2500 réfugiés. La fermeture successive de tous les ports en Asie risquait de transformer Hong Kong en le port d’escale de facto pour les « cas de mer » en Asie du Sud-Est puisqu’il ne refusait pas d’emblée les nouveaux arrivés. 23

Le gouvernement Thatcher risquait de trahir ses promesses électorales en acceptant tant de réfugiés; les alternatives étaient limitées. Son cabinet considéra même le reniement de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés, 24 cette option était infaisable cependant. En effet, la dame de fer mentionna souvent en réunion de cabinet que l’opinion publique ne permettrait jamais le rejet ou même la déportation des réfugiés comme l’avaient fait la Malaisie et l’Indonésie. 25 La presse nationale stipulait qu’il fallait accepter plus de réfugiés, « il n’y a pas d’excuses valables pour la noyade de personnes. » 26 Heureusement pour Thatcher le Secrétaire général des Nations Unies exhorta les États impliqués dans la crise à augmenter leurs contributions financières et leurs quotas d’accueils. 27 Une campagne internationale pourrait limiter le fardeau humanitaire et le partager entre les États de la communauté internationale. Le 31 mai, Thatcher répondit à l’appel du Secrétaire général en proposant une conférence internationale traitant des réfugiés de l’Asie du Sud-Est. 28

S’il y avait un responsable de la crise pour Londres, c’était le Vietnam. Ce dernier lançait des guerres contre ses voisins et se débarrassait de son problème de surpopulation en exportant sa population au hasard en Asie. 29 Il fallait le punir, au niveau international si possible. La conférence proposée servirait donc deux buts pour le Royaume-Uni. Premièrement, l’arrêt du flux de réfugiés à Hong Kong. Mais deuxièmement, l’attribution de la responsabilité de la crise au Vietnam ainsi qu’au communisme international. Un but important du Royaume-Uni dans le contexte de la guerre froide. 30 Cette dénonciation deviendra plus importante après l’invasion de l’Afghanistan de la part de l’URSS en décembre 1979.

Margaret Thatcher et Jimmy Carter qui discutent lors d’une visite à la maison blanche en 1979. 58

Thatcher lança alors une campagne visant à augmenter les places d’accueils pour les réfugiés indochinois aux ports alternatifs à Hong Kong, et l’obtention de soutien international d’une conférence organisée par l’ONU sur le sujet. Les États-Unis tentaient depuis longtemps de cultiver un support semblable, la voie diplomatique qu’ils avaient employée n’avait pas donné de résultats. 31 Initialement, la campagne de Thatcher reçut un soutien mitigé de la communauté internationale, car les États déjà impliqués croyaient en avoir fait assez. 32 Afin d’exposer au public la crise humanitaire qui se déroulait dans la colonie, on planifia cependant d’emmener plusieurs journalistes à Hong Kong avec le ministre des Affaires étrangères. 33 Ainsi, le gouvernement britannique espérait stimuler une pression démocratique internationale en faveur d’une conférence. En conjonction avec les États-Unis, les pressions médiatiques exercées se matérialisèrent sous la forme d’une déclaration multilatérale du G7 après leur rencontre en juin 1979. 34 Les États présents s’engagèrent à soutenir toute conférence internationale visant à mettre en œuvre une action internationale pour répondre à la crise des réfugiés en Asie du Sud-Est.

Une conférence se déroula à Genève à peine un mois plus tard. Elle parvint à une solution durable à la crise. 35Le Vietnam accepta de limiter le montant de départs, les pays asiatiques reconnaitraient désormais le statut de réfugié des nouveaux arrivés. Tous les réfugiés qui arrivaient à Hong Kong ne devaient pas se diriger au Royaume-Uni. Le ministre des affaires étrangères britannique y promit l’accueil de 10 000 réfugiés au Royaume-Uni dans l’espace de deux ans. 36 Cependant, les réfugiés du Sibonga et toute autre personne secourue en haute mer par un vaisseau anglais serait déduit du total.

La presse réagit vivement à cette mobilisation internationale. D’après eux, la proposition de 10 000 « serait une goutte dans un océan de plus de 300 000 réfugiés. » 37 Le Listener répondit aux tentatives de médiatisation de la crise des réfugiés du gouvernement avec un cynisme prononcé. « (…) la télévision ne devrait pas être trainée aux évènements mondiaux comme si elle faisait partie de la machine de propagande du gouvernement. » 38 Une campagne médiatique était absurde alors qu’une crise humanitaire se perpétuait. Malgré cela, Thatcher réussit à rallier l’opinion publique. La menace du communisme et la protection des réfugiés convergèrent vers un but commun. Même les médias les plus critiques acceptaient que les réfugiés qu’accueillerait le Royaume-Uni étaient des victimes de la tyrannie communiste. L’Economist vit un parallèle entre cet exode et celui des Arméniens sous le joug des Ottomans, celui des Juifs en Allemagne nazie ou celui des dissidents politiques de l’Union soviétique. 39 Somme toute, Margaret Thatcher était parvenue à résoudre la crise sans avoir à accueillir un grand nombre de réfugiés au Royaume-Uni.

Séquelles rébarbatives (1979-1989)

En 1979, il semblait que Thatcher avait trouvé la réponse à la maladie britannique. Il s’agissait de limiter l’accueil de réfugiés au Royaume-Uni en partageant le fardeau des nouvelles arrivées avec la communauté internationale. Ce système aura une longue vie. Il contribua au réchauffement de la guerre froide après l’invasion de l’Afghanistan, qui lança la prise d’action contre le communisme. Au cours des années suivantes, la politique britannique priorisa la stabilité de Hong Kong et le soutien des Khmers rouges au Cambodge. 40 Cependant, il restait plusieurs défis qui risquaient de mettre en danger l’équilibre trouvé par la conférence de Genève.

Cet équilibre, produit d’un accord mutuel, fonctionnait grâce à la participation des États-Unis, de l’ONU et des États impliqués dans la crise. La Grande-Bretagne devait se montrer flexible pour amadouer ses partenaires. Ces derniers exigeaient que tous participent à l’aide humanitaire en Asie du Sud-Est. Pour les États-Unis le volume des réfugiés qui quittaient le Vietnam servait à humilier ce dernier au sein de la communauté internationale. 41 Entre 1978 et 1982 ils accueillirent donc 282 500 réfugiés tandis que Londres en accepta que 22 500. 42 C’est grâce aux pressions sévères de l’ONU et des États-Unis que Londres doubla le quota de 10 000. Ils ne considéraient pas que les sauvetages en haute mer devraient s’inscrire sur le total que la Grande-Bretagne avait promis en 1979 à Genève. Thatcher dut se plier afin de préserver la stabilité de Hong Kong.

En novembre 1980, un rouage du mécanisme commença à défaillir. La Thaïlande refusa d’accepter 93 réfugiés sauvés en haute mer par un navire anglais, le M.V. Logos, sans que leur accueil à l’étranger soit garanti. Comme en 1979 pour Taïwan, le gouvernement britannique ne voulait pas que Hong Kong devienne le port de facto des réfugiés de l’Asie du Sud-EstHo. Or, Margaret Thatcher accepta d’accueillir ces réfugiés sous à une triple pression. Les propriétaires du navire en question étaient favorables à l’accueil des réfugiés. Un organisme caritatif en Grande-Bretagne, Project Vietnam Orphans, s’était mobilisé pour venir en aide à ces réfugiés. De plus, l’archevêque de Canterbury exerça son influence au sein de la société et du parlement britannique pour encourager l’accueil de ces réfugiés en Grande-Bretagne. 43 Ne voulant pas compromettre le système d’accueil des réfugiés qui convenait à Thatcher, le gouvernement dut céder.

Quelques années plus tard, ce n’était pas la Thaïlande qui nuisait au bon fonctionnement du système. À Hong Kong en 1983, des représentants politiques élus commencèrent à évoquer l’idée du « rapatriement volontaire » des réfugiés sur place. Cette proposition défiait directement le système établi. Mais, ces pressions à elles seules ne suffiraient pas à remettre en cause l’équilibre instauré à Genève. Tant que le Vietnam constituait une menace régionale, les réfugiés circulaient de l’Asie du Sud-Est jusqu’aux quatre coins du globe grâce au support des États-Unis. Tout changea au milieu des années 1980 cependant. Le Vietnam annonça des réformes économiques en 1986. Il promit aussi de se retirer du Cambodge. 15 000 nouveaux « boat people » arrivèrent à Hong Kong malgré ces promesses. 44 Cette fois, le territoire décida d’instaurer de nouveaux critères de définition bien plus stricts pour les réfugiés. Il fallait décourager les « migrants économiques » en les détenant afin de les rapatrier au Vietnam. 45 Lors d’une conférence de presse à Bangkok Margaret Thatcher expliqua ce geste « Hong Kong ne peut pas continuer à accueillir des personnes qui, d’après nous, ne sont pas des réfugiés. » 46 Ces politiques entrèrent en vigueur le 16 juin 1988. 47 Elles « coïncidaient avec le standard de traitement des immigrants illégaux partout au monde. » 48 Le changement fut bien perçu à Hong Kong et par les médias conservateurs britanniques. 49 Ainsi, un nouveau consensus officiel émergea. La conférence de Genève de 1989 fut organisée par l’ONU. Elle renia l’entente de 1979 sur la crise en Asie du Sud-Est et institutionnalisera les nouveaux « critères reconnus de la définition des réfugiés au niveau international. »50

Le président George H.W. Bush rencontre Thatcher à Camp David en 1989. 59

Cette nouvelle politique fut contestée depuis sa conception 1983, par Reagan et par son successeur. Les États-Unis, menés par le président Bush, remirent en question le rapatriement volontaire lors d’une rencontre avec Thatcher à Camp David en 1989. 51 Les médias aussi furent critiques du nouveau consensus sur les réfugiés et des conditions des camps à Hong Kong qui « ressembl[ai]ent à des prisons. » 52 De grandes manifestations contre la nouvelle politique d’immigration, et leurs répressions violentes ébranlèrent les camps de réfugiés à Hong Kong. Cette répression attira l’attention des médias. 53 Plusieurs organismes caritatifs s’intéressèrent au cas de Hong Kong par la suite. 54 Néanmoins, toutes ces contestations de la politique n’ébranlèrent pas la conviction du gouvernement de Thatcher « Jusqu’à ce que certains soient renvoyés, il y en aurait toujours plus. » 55

Conclusion

Bref, il y a trois conclusions à effectuer. Premièrement, la lutte contre le socialisme de Margaret Thatcher s’est faite par sa politique intérieure ainsi qu’extérieure. Cette lutte n’était pas dogmatique, mais fut marquée d’un pragmatisme et d’une flexibilité prononcés afin de contourner les impasses politiques qu’elle rencontra. Deuxièmement, malgré la disposition favorable à l’accueil des médias et de certains membres de la société britanniques, les dimensions politiques de l’accueil ne sont pas à ignorer. Ce sont elles qui incitèrent la Grande-Bretagne à accueillir plus du double de ce qu’elle avait promis lors de la conférence de Genève de 1979. Enfin, il est ironique que ce soit des politiques nationalistes, voire xénophobes, qui encouragent la résolution humanitaire de la crise. La solution mise de l’avant a limité le nombre de réfugiés qu’accueillit au Royaume-Uni et contribuait à l’idéal idéologique de sa restitution. Il est difficile de qualifier Thatcher d’actrice de bonne foi dans la crise des réfugiés. En dépit de ses moyens humanitaires, sa fin ne l’était point.


CE QUI SUIT

References

  1. Voir l’article « La proposition de Margaret Thatcher » sur le site web afin de comprendre le contexte de cet évènement. https://boatpeoplehistory.com/fr/rssfr/chronologie/prop-thatcher/
  2. Voir Bailkin, Jordanna. Unsettled: refugee camps and the making of multicultural Britain. Première édition. Oxford : Oxford University Press, 2018. Pour une ressource sur l’accueil des réfugiés. Voir Pilger, John. « How Thatcher Gave Pol Pot a Hand ». New Statesman, 17 avril 2000. Pour une analyse de politique étrangère.
  3. Ces journalistes s’en sont servi dans leur livre, Caryl, Christian, et Timm Bryson. Strange Rebels: 1979 and the Birth of the 21st Century, 2014. Et aussi ces politologues, Crines, Andrew S., Timothy Heppell, et Peter Dorey. « Conclusion ». In The Political Rhetoric and Oratory of Margaret Thatcher, édité par Andrew S. Crines, Timothy Heppell, et Peter Dorey, 209‑22. Rhétorique, politiques et société. Londres : Palgrave Macmillan UK, 2016.
  4. Darwin, John. The Empire Project : The Rise and Fall of the British World-System, 1830–1970. Cambridge, Royaume-Uni : Cambridge University Press, 2009, p. 653
  5. Je me sers de cet article pour décrire le « capitalisme britannique national » Edgerton, David. « How Britain Was Sold ». The NewStatesmen, 13 novembre 2019. Aussi Kumar, Krishan. The making of English national identity. Cambridge ; New York : Cambridge University Press, 2003. Pour une analyse profonde du nationalisme britannique.
  6. Edgerton, David. The rise and fall of the British nation: a twentieth-century history. [London], UK: Allen Lane, 2018.
  7. Une analyse du racisme en Grande-Bretagne, Edgerton, David. « Britain’s Persistent Racism Cannot Simply Be Explained by Its Imperial History ». The Guardian, 24 juin 2020.
  8. Thatcher, Margaret. The Path to Power. New York : Harper Collins, 1995, p. 522
  9. Edgerton, David. The Rise and Fall of the British Nation: a Twentieth-Century History. Londres, Royaume-Uni : Allen Lane, 2018, p. 253
  10. « TV Interview for Granada World in Action (“rather Swamped”) », 27 janvier 1978. Margaret Thatcher Foundation. https://www.margaretthatcher.org/document/103485.
  11. Thatcher, Margaret. The Path to Power. New York : Harper Collins, 1995, p. 439-440
  12. « “Godfather’s” Instant Homes for Migrants ». Daily Mail, 5 février 1979.
  13. Thatcher, Margaret. The Path to Power. New York : Harper Collins, 1995, P. 394. Voir aussi son autre livre, Thatcher, Margaret. The Downing Street Years. New York : Harper Collins, 1993.
  14. Cooper, James. « “I Must Brief You on the Mistakes”: When Ronald Reagan Met Margaret Thatcher, February 25–28, 1981 ». Journal of Policy History 26, no 2 (avril 2014): 274‑97.
  15. Caryl, Christian. Strange Rebels: 1979 and the Birth of the 21st Century. Basic Books, 2014. Aussi. « 1979: Public Sector Strike Paralyses Country ». BBC News, 22 janvier 1979. http://news.bbc.co.uk/onthisday/hi/dates/stories/january/22/newsid_2506000/2506715.stm
  16. Thatcher, Margaret. The Path to Power. New York : Harper Collins, 1995, p. 433
  17. Un ancien chef de police compare une victoire de Labour, et par conséquent des syndicats, au règne des nazis en Allemagne. « The Gospel According to Sir Robert Mark ». Daily Mail, 19 avril 1979.
  18. Hampton, Mark. Hong Kong and British Culture, 1945-97. Studies in Imperialism. Manchester: Manchester University Press, 2015.
  19. « Cartledge Note to Margaret Thatcher », 24 mai 1979. Margaret Thatcher Foundation. https://www.margaretthatcher.org/document/118030.
  20. UNHCR/F11/2/39_391_39d. “Note By the High Commissioner, 29 November 1978, Consultative Meeting With Interested Governments on Refugees and Displaced Persons in South East Asia, Geneva 11-12 December 1978.”
  21. « Home Office Letter to No. 10 (“Refugees from Vietnam”) », 29 mai 1979. Margaret Thatcher Foundation. https://www.margaretthatcher.org/document/118056.
  22. « Home Office Letter to No. 10 (“Refugees from Vietnam”) », 29 mai 1979. Margaret Thatcher Foundation. https://www.margaretthatcher.org/document/118056.
  23. Ibid.
  24. « Havers Minute to MT (“Vietnamese Refugees”) », 30 mai 1979. Margaret Thatcher Foundation. https://www.margaretthatcher.org/document/118040.
  25. Voir l’article « Les pays de l’Asie du Sud-Est rejettent les nouveaux arrivés » sur le site web pour une analyse du rejet des réfugiés de la Malaisie https://boatpeoplehistory.com/fr/rssfr/chronologie/rejet-arrivees/ Voir aussi cet appel téléphonique « No. 10 Record of Telephone Conversations (MT-Whitelaw, MT-Carrington) », 4 juin 1979. Margaret Thatcher Foundation.
  26. « Rescuing Is Right ». The Economist, 2 juin 1979.
  27. Voir l’article « Un appel aux contributions » sur le site web pour une analyse détaillée de la lettre du Secrétaire général, https://boatpeoplehistory.com/fr/rssfr/chronologie/appel-contributions/.
  28. « Margaret Thatcher Letter to UN Secretary-General Waldheim », 31 mai 1979. Margaret Thatcher Foundation. https://www.margaretthatcher.org/document/118043. Aussi disponible sur le site web : https://boatpeoplehistory.com/fr/doc/la-proposition-du-royaume-uni/.
  29. Voir l’article sur le site web « La proposition de Margaret Thatcher » pour mieux comprendre la critique britannique. https://boatpeoplehistory.com/fr/rssfr/chronologie/prop-thatcher/
  30. Ibid. Voir aussi, pour une analyse de la politique extérieure du Royaume-Uni lors de la guerre froide. Hill, Christopher. The Actors in Europe’s Foreign Policy. Londres : Routledge, 2002.
  31. « UKE Washington to FCO (“Vietnamese Refugees”) », 29 mai 1979. Margaret Thatcher Foundation. https://www.margaretthatcher.org/document/118039.
  32. « Carrington Minute to MT (“Vietnamese Refugees”) », 8 juin 1979. Margaret Thatcher Foundation. https://www.margaretthatcher.org/document/118051.
  33. « No. 10 Record of Conversation (“Vietnamese Refugees”) », 14 juin 1979. Margaret Thatcher Foundation. https://www.margaretthatcher.org/document/138430.
  34. Voir l’article « Sondage des pays » sur le site web pour une description plus détaillée de la rencontre,  https://boatpeoplehistory.com/fr/rssfr/chronologie/sonder-etats/
  35. Voir l’article « La conférence » sur le site web pour une description de la conférence, https://boatpeoplehistory.com/fr/rssfr/chronologie/conference-1979/
  36. « No. 10 Record of Conversation (MT-Whitelaw-Carrington) », 9 juillet 1979. Margaret Thatcher Foundation. https://www.margaretthatcher.org/document/118073.
  37. « Her Instinct Is Wrong ». The Economist, 14 juillet 1979.
  38. Robinson, Kenneth. « Not Very Good News ». The Listener, 5 juillet 1979.
  39. « Not Again ». The Economist, 21 juillet 1979.
  40. Pilger, John. « How Thatcher Gave Pol Pot a Hand ». New Statesman, 17 avril 2000.
  41. Voir l’article « Dix ans de protection des réfugiés » sur le site web pour une analyse de la politique américaine envers le Vietnam, https://boatpeoplehistory.com/fr/projet/carte-10ans-protection/.
  42. Gall, Susan, et Irene Natividad, éd. Library of Asian America. Vol. 1. Détroit : Gale Research Inc, 1996. Et aussi : Bailkin, Jordanna. Unsettled: refugee camps and the making of multicultural Britain. Première édition. Oxford : Oxford University Press, 2018. Chapitre « Interlude: before the camps »
  43. « FCO letter to No. 10 (“Vietnamese refugees: MV Logos”) », 20 septembre 1980. Margaret Thatcher Foundation. https://www.margaretthatcher.org/document/127349.
  44. « CAB 128/91/1 Conclusions of a Meeting of the Cabinet Held at 10 Downing Street », 9 juillet 1988. The National Archives.
  45. « EC/46/SC/CRP.44 Update on Regional Developements in Asia and Oceania ». UNHCR, 19 août 1996. Executive Committee of the High Commissioner’s Programme Standing Committee.
  46. « Press Conference in Bangkok », 8 août 1988. Margaret Thatcher Foundation. https://www.margaretthatcher.org/document/107321.
  47. « CAB 128/91/1 Conclusions of a Meeting of the Cabinet Held at 10 Downing Street », 9 juillet 1988. The National Archives.
  48. « CAB 128/89/20 Conclusions of a Meeting of the Cabinet Held at 10 Downing Street », 20 octobre 1988. The National Archives.
  49. « The Boat People ». Daily Mail, 15 octobre 1988.
  50. « EC/46/SC/CRP.44 Update on Regional Developements in Asia and Oceania ». UNHCR, 19 août 1996. Executive Committee of the High Commissioner’s Programme Standing Committee.
  51. « CAB 128/94/16 Conclusions of a Meeting of the Cabinet Held at 10 Downing Street », 30 novembre 1989. The National Archives.
  52. « Howe Spurns Boat People ». The Sunday Times, 3 avril 1988.
  53. « Vietnam Refugees Halt Exodus to Hong Kong », 11 octobre 1988.
  54. Lipman, Jana K. In camps: Vietnamese refugees, asylum seekers, and repatriates. Critical refugee studies 1. Oakland : University of California Press, 2020, p. 161-200
  55. « USA: No, 10 Record of Conversation (MT, President Bush) », 24 novembre 1989. Margaret Thatcher FoundFation. https://www.margaretthatcher.org/document/212283.
  56. Hong Kong, Vietnamese boat people face a harsh future. 1988. UNHCR/Anneliese Hollmann.
  57. https://boatpeoplehistory.com/fr/doc/consultations-intro/.
  58. White house photos: MT visiting Carter at the White House (coffee break). 1979. Margaret Thatcher Foundation https://www.margaretthatcher.org/document/109593.
  59. White house photos: MT visiting Bush at Camp David (arriving 1). 1989. Margaret Thatcher Foundation. https://www.margaretthatcher.org/document/110722.