PROCÈS VERBAL DE LA RÉUNION, PARTIE I


Communiqué de presse des Nations Unies, 20 juillet 1979

Le Secrétaire Général Débute la Réunion sur les Réfugiés et les Personnes Déplacées dans l’Asie du Sud-Est (Reçu du Service de l'Information des Nations Unies, Genève)

Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Kurt Waldheim, a ouvert ce matin 20 juillet la réunion qu’il avait convoquée il y a trois semaines afin d’examiner la question des réfugiés et des personnes déplacées en Asie du Sud-Est.

La réunion, qui doit durer deux jours, a pour but de rechercher des moyens concrets de venir en aide à des milliers de réfugiés et de personnes déplacées. Le Secrétaire général a lancé un appel aux gouvernements désireux de participer aux programmes d’aide afin qu’ils fassent des contributions financières et, qu’ils trouvent des solutions pour réinstaller les réfugiés. Il faudrait également résoudre la question des centres d’acheminement, y compris dans les pays d’origine des réfugiés et celle du transport des réfugiés et des personnes déplacées vers leurs lieux de destination.

Soixante-huit États ont répondu à l’initiative du Secrétaire général et participent à la réunion. 

Après le discours d’ouverture du Secrétaire général et une déclaration de M. Poul Hartling, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, les représentants des pays suivants ont pris la parole : Japon, Malaisie, Vietnam1, Irlande, Royaume-Uni, France, Philippines, Italie, Singapour et Belgique.

La prochaine réunion de la Conférence aura lieu cet après-midi 20 juillet à 15 heures. 

Discours prononcés

Ce matin à Genève, le Secrétaire Général Kurt Waldheim a débuté la réunion sur les réfugiés et les personnes déplacées (pour le texte du discours du Secrétaire Général, voir le Communiqué de Presse SG/SM/2757-REF/808 remis aujourd’hui). Un discours d’ouverture a également été prononcé par le Haut Commissaire aux Réfugiés Poul Hartling (Communiqué de Presse REF/809).

M. SUNAO SONODA, Ministre des Affaires étrangères du Japon a déclaré que le problème des réfugiés ne relève plus du simple domaine humanitaire, mais qu’il s’agit maintenant d’un problème politique grave qui affecte la paix et la stabilité de la région sud-asiatique. Cependant, a-t-il poursuivi, cette conférence ne peut se permettre de se livrer à des débats purement politiques sur l’origine et la genèse historique du problème.

Il faut tenter d’aboutir à des résultats concrets et constructifs, a-t-il dit, et tout d’abord diminuer l’exode désordonné des réfugiés. À cet égard, il appartient au Vietnam d’appliquer l’accord en sept points qu’il a récemment signé avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) d’empêcher l’exode massif des réfugiés et d’obtenir la compréhension des pays voisins.

M. Sonoda s’est également référé à la question des réfugiés du Kampuchia estimant qu’il faut rechercher une solution politique au conflit dans ce pays, il a rappelé qu’il avait proposé à cet égard la réunion d’une conférence des pays concernés.

En ce qui concerne les secours immédiats aux réfugiés, M. Sonoda a annoncé que le Japon était prêt à verser à lui seul la moitié des fonds nécessaires au Programme d’aide du HCR aux réfugiés indochinois, et qu’il débloquera très rapidement une partie de sa contribution afin que le HCR puisse faire face à des difficultés financières.

Le Japon est favorable à la création de centres d’acheminement pour les réfugiés. Il fournira d’ailleurs la moitié des fonds dont a besoin le centre de Galang Island, en Indonésie.

Le Japon encouragera la réinstallation des réfugiés, en particulier sur son propre territoire. En ce qui concerne le sauvetage en mer et l’accostage en mer et l’accostage temporaire des réfugiés, il a pris les mesures nécessaires pour que les navires japonais respectent les lois internationales.

Selon M. Sonoda, la seule tenue d’une Conférence ne saurait suffire. Il faut mettre en pratique ce qui sera dit à cette Conférence, cette dernière devant être le point de départ de la coopération internationale pour résoudre le problème des réfugiés et pour parvenir éventuellement à établir la paix et la sécurité dans le Sud-Est asiatique.

Le Japon envisage aussi d’accorder une assistance bilatérale aux pays de premier asile de la région du Sud-Est Asiatique. 

Le représentant de la Malaisie, M. TAN SRI GHAZALI SHAFIE, a souligné que son pays a été le plus affecté par le flux de réfugiés du Vietnam, et a adopté une attitude humanitaire à leur égard, bien que n’ayant aucune responsabilité dans ce problème, aussi longtemps qu’il en a eu la capacité. Cependant, en dépit des assurances données par les Nations Unies et, des pays d’accueil, en vue de la réinstallation des réfugiés la marée d’arrivants n’a cessé d’enfiler, a dit M. Ghazali Shafie, et l’opinion publique de la Malaisie s’est inquiétée en se demandant si, finalement, la Malaisie aurait à supporter le fardeau de centaines de milliers de personnes indésirables partout ailleurs.

C’est dans ce contexte, a fait remarque M. Ghazali Shafie que le gouvernement malais a été forcé de prendre de fermes mesures « pour assurer la sécurité et la stabilité du pays et le bien-être de la population », mais tout en « répugnant » d’avoir à le faire. Ce que recherche le gouvernement malais, c’est de ne plus être obligé de rejeter l’influx des « réfugiés sur des bateaux », et dans ce but, propose à la Conférence une série de propositions et de mesures concrètes, dans un (document séparé), qui demande une action internationale pour résoudre le problème à la source aussi bien qu’à l’arrivée. « Il n’y a pas de premier asile sans asile définitif » a affirmé le représentant de la Malaisie.

Parmi les propositions du gouvernement malais, figure la création de centres de triage, dans plusieurs pays, et administrés par le Haut-Commissariat aux réfugiés, d’où les réfugiés seraient envoyés directement dans les pays d’accueil permanent.

D’autre part, le gouvernement malais recommande la création d’un fonds spécial, financé par le Haut-Commissariat et les pays donateurs, qui serait destiné aux pays désireux d’accueillir des réfugiés de façon permanente, mais qui manquent de moyens financiers et autres.

Monsieur PHAN HIEN, Chef de la Délégation de la République socialiste du Vietnam, a souligné que la présence à cette réunion de sa délégation prouve « l’attitude sérieuse et la bonne volonté du Gouvernement et du peuple vietnamiens désireux d’apporter une part de contribution positive à la réussite de la réunion, et d’aboutir à des mesures concrètes et réalistes pour le règlement du problème des réfugiés ». De nouvelles guerres et divers autres facteurs sont venus entraver l’œuvre de reconstruction du Vietnam dans la paix, a poursuivi M. Phan Hien. « Dans une telle conjoncture, il n’est donc pas étonnant de constater le départ des personnes désireuses de se rendre à l’étranger pour y vivre et travailler ou pour réunion familiale ». « Nous éprouvons des sentiments de commisération beaucoup plus que d’indignation vis-à-vis de ces Vietnamiens qui décident de quitter leur patrie quelles qu’en soient les motivations ».

M. Phan Hien a rappelé les sept points du mémorandum d’accord conclu par son gouvernement et par le HCR pour des départs dans l’ordre et en sécurité : 

  • la sortie autorisée des personnes désireuses de quitter le Vietnam sera réalisée dans le meilleur délai et le nombre de ces personnes dépendra à la fois du volume des demandes de sortie et des possibilités des pays hôtes d’accorder des visas d’entrée;
  • le choix des personnes autorisées à aller à l’étranger sera fait sur la base des listes préparées par le gouvernement vietnamien et des listes préparées par les pays hôtes;
  • le HCR fera tous ses efforts pour gagner le soutien des pays hôtes éventuels;
  • le gouvernement vietnamien et le HCR désigneront chacun des personnels qui coopéreront étroitement dans l’exécution du programme;
  • ces personnels sont autorisés à travailler à Hanoï et à Ho Chi Minh Ville;
  • les opérations de sortie seront effectuées à intervalles réguliers par des moyens de transport appropriés; 

Le Vietnam, a déclaré son représentant, est désolé de constater que des pays de l’Asie du Sud-Est sont actuellement confrontés à des difficultés engendrées par le problème des réfugiés. Il a précisé que c’est entièrement indépendant de la volonté de son pays, et a souligné la nécessité d’aborder le problème sous un angle humanitaire et d’éliminer, à cette Conférence, toute intention politique, d’écarter toute manœuvre politique d’où qu’elle vienne, « car une telle éventualité ne pourrait qu’être interprétée comme un sabotage de la Conférence à l’encontre des aspirations des peuples du monde et ne pourrait que provoquer des conséquences plus ou moins fâcheuses ».

Mr. Phan Hien, a indiqué que son pays est décidé à poursuivre une coopération étroite avec le HCR, en vue de canaliser et de régulariser les départs dans la voie légale, de façon organisée et dans l’ordre, en espérant que cela aura pour effet de dissuader les personnes voulant encore quitter le Vietnam de façon illégale.

S’agissant de la suggestion d’établir sur son territoire un centre de triage des réfugiés, le Vietnam, est disposé à engager des discussions avec le HCR pour l’installation d’un tel centre.

Le Vietnam soutient la proposition selon laquelle un certain nombre de pays créeront de nouveaux centres d’accueil de réfugiés, par exemple les États-Unis à Guam, le Japon à Okinawa, la Chine dans l’île de Hainan, etc.…

Il propose aux pays nantis, tels que les États-Unis et les autres pays développés, d’apporter une plus grande contribution sur les plans financier, des moyens et des vivres, et notamment d’accueillir les réfugiés en plus grand nombre. Il leur suggère l’établissement de ponts aériens, la mise en service d’un plus grand nombre de navires pour pouvoir acheminer rapidement les réfugiés.

M. MICHAEL O’KENNEDY, Ministre irlandais des Affaires étrangères prenant la parole en tant que président du Conseil de ministres des Communautés européennes, a déclaré que la Communauté européenne et ses États membres, affirment leur attachement à certains principes parmi lesquels le droit des peuples à quitter librement leur pays et à y rentrer librement.

Les Neuf ont pris acte avec grand intérêt de l’arrangement conclu le 30 mai 1979 entre le gouvernement du Vietnam et le Haut Commissaire pour les réfugiés, a dit M. O’Kennedy, mais ils sont préoccupés par le fait que, malgré cet arrangement, l’exode des réfugiés s’est poursuivi dans des conditions qui ont entraîné la mort ou de très vives souffrances pour un très grand nombre de personnes.

De l’avis des Neuf, ce qu’il faut, c’est que chacun des États représentés à la Conférence, y compris les États que quittent les réfugiés, regardent en face les responsabilités qui leur reviennent en propre en vue d’alléger le fardeau de la misère humaine et de la mort. Cela signifie a-t-il affirmé que des mesures devraient être convenues afin d’assurer que, si personne ne doit être contraint à abandonner son pays d’origine, ceux qui en ont le libre désir et sont susceptibles de trouver accueil ailleurs puissent le faire et le faire dans des conditions qui respectent la dignité humaine. Après avoir exprimé l’espoir que les États qui ne l’ont pas encore fait contribueront à l’accueil des réfugiés afin que la charge puisse être plus équitablement répartie, il a souligné qu’aucune de ces mesures ne sera suffisante si les États d’où part l’exode des réfugiés n’assument pas leurs responsabilités particulières.

En tant que ministre des Affaires étrangères d’Irlande M. O’Kennedy a rappelé que son gouvernement a récemment annoncé le doublement du nombre des réfugiés qu’il avait envisagé d’accueillir à l’origine.

En outre, son gouvernement a décidé de dégager 500 000 $ pour des programmes de secours à l’intention des réfugiés, dont 400 000 $ versés directement au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, les 100 000 $ restants pour financer un programme arrêté en commun par le Haut Commissariat pour les réfugiés et une agence irlandaise d’aide et de développement « Concern », qui a offert d’apporter son assistance dans les camps de réfugiés. De plus il est envisagé de constituer à court terme une équipe multidisciplinaire qui pourrait compter six experts irlandais spécialistes dans divers domaines relatifs à la santé et serait mise à la disposition du Haut-Commissariat pour les réfugiés.

LORD CARRINGTON, Ministre britannique des Affaires Étrangères, s’est déclaré obligé de se poser la question : pourquoi des dizaines de milliers d’hommes, femmes et enfants, quittent leur pays si ce n’est que la politique du Gouvernement vietnamien les empêchent d’y rester.

En ce qui concerne l’accord limité proposé par le gouvernement vietnamien au Haut-Commissariat sur le départ organisé de ceux qui veulent s’en aller, le représentant du Royaume-Uni a dit que premièrement, le Vietnam devrait reconnaître qu’aucun pays n’a le droit d’imposer à d’autres un segment de sa population qu’il ne veut plus sur son territoire; deuxièmement, la communauté internationale qui tente de soulager les pays de premier asile de leur fardeau doivent pouvoir compter sur la cessation des pressions exercées par le Vietnam sur ceux qui sont obligés de fuir.

Le représentant du Royaume-Uni a suggéré qu’un Commission composée de quelques membres de pays neutres et non-alignés, négocie et organise en étroite collaboration avec le Haut-Commissariat et le gouvernement Vietnamien le départ de ceux qui veulent quitter le Vietnam, et qu’il en spot de même pour le Laos et le Cambodge.

Il ne suffit pas de fournir des foyers temporaires aux réfugiés, a déclaré Lord Carrington. Le monde doit faire le maximum pour donner aux réfugiés des asiles permanents et les moyens d’y gagner leur vie, et pour en financer les coûts qui ne cessent d’augmenter. Des programmes effectifs devraient être mis en œuvre, a indiqué Lord Carrington, pour réinstaller les réfugiés aussi bien dans les pays en développement que dans les pays développés à conditions, bien entendu, que ces pays reçoivent l’aide financière et matérielle nécessaires, car beaucoup de ces réfugiés pourraient contribuer largement à la prospérité de pays en développement.

En concluant, le représentant du Royaume-Uni a déclaré que la Communauté internationale devait maintenir et réaffirmer les principes de conduite internationale sur le droit d’asile, condition essentielle, selon lui, si l’on veut conserver le tissu de la vie civilisée dans le monde.

M. JEAN FRANCOIS-PONCET, Ministre français des Affaires étrangères, a déclaré que ce sera l’honneur de la Conférence de parvenir, en dehors de toute polémique, à des règles acceptées par tous, et qui permettent de régulariser et d’humaniser le problème des réfugiés. Peut-être ses conclusions pourraient servir d’enseignements pour d’autres régions du monde qui connaissent des drames semblables.

Examinant d’abord ce que la Communauté internationale pourrait faire, M. François-Poncet a distingué trois phases : le départ, le transit et le premier accueil et la réinstallation.

  • En ce qui concerne la phase de départ, un accord devrait se faire sur deux principes :
  • la reconnaissance du droit à l’émigration, étant entendu que son exercice doit résulter d’une libre décision des individus eux-mêmes.
  • la nécessité d’une émigration ordonnée.

L’accord en 7 points passé récemment entre le HCR et le Vietnam marque à cet égard un progrès mais ne semble pas à la mesure du problème.

L’accord devrait donc être complété par un certain nombre de dispositions, tel un moratoire de six mois pendant lequel les départs seraient suspendus, à l’exception bien entendu des départs réguliers.

Compte tenu en effet de la saturation des camps dans les pays de premier accueil ou d’accueil définitif ainsi que de la nécessité de recueillir ceux qui ont pris la mer, ce moratoire est la seule façon, a dit le ministre français de préparer convenablement les mesures qui permettront d’organiser le flux ainsi que d’humaniser le transport et l’accueil. Il devrait permettre de décongestionner les camps actuels et de procéder à un recensement des candidats au départ, dont les listes seraient transmises au HCR.

Passé six mois, les candidats quitteraient le Vietnam dès que des conditions de transports satisfaisantes leur seraient assurées et que des capacités d’accueil convenables leur seraient garanties.

M. François-Poncet a rappelé que les obligations de sauvetage en mer prévues par les conventions internationales doivent être respectées par les capitaines des navires circulant dans la région.

Le HCR devrait continuer à jouer le rôle central dans la mise en œuvre de ce processus et recevoir, à cet effet, toute l’aide nécessaire de la part du Vietnam.

En ce qui concerne la phase de transit et de premier accueil, le représentant de la France a indiqué que les centres doivent faciliter l’indispensable orientation, permettre de procéder aux opérations sanitaires, et assurer, au jour le jour, une adaptation correcte des départs aux possibilités d’accueil.

L’objectif prioritaire doit être de décongestionner rapidement les centres actuels qui devraient être situés à la fois dans les pays de départ et dans les pays situés à proximité de ces derniers.

Comme c’est déjà le plus souvent le cas, les centres seraient gérés par le HCR et pris en charge par lui.

La garantie devrait être donnée aux pays de transit ou de première escale par la Communauté internationale que les réfugiés partiraient dans un délai convenable et en contrepartie de ces garanties, ces pays de transit s’engageraient à ne pas refouler les réfugiés.

Pour mettre en œuvre la phase de réinstallation, M. François-Poncet, a déclaré que les contributions annoncées jusqu’ici ne sont pas globalement à la mesure du problème.

Il faut en venir à une solution consistant pour tous les pays d’accueil à se fixer un objectif chiffré, calculé en fonction du nombre de réfugiés déjà accueillis ou à accueillir. Un objectif de 1 pour 1 000 de la population paraît nécessaire.

Certains pays d’accueil peuvent sans aide atteindre – voire dépasser – ce pourcentage. D’autres auront besoin d’une aide internationale pour y parvenir, a fait remarquer le représentant de la France. Toute politique ayant pour objet ou pour effet de créer des camps de perpétuels déracinés est à proscrire. Il faut au contraire favoriser l’insertion des réfugiés dans le tissu social du pays d’accueil. Pour certains, une réinsertion n’est possible que dans un environnement similaire, donc dans la région.

Poursuivant son intervention, M. François-Poncet a rappelé que la France a, depuis 1975, accueilli 61 000 réfugiés et a décidé, le 26 juin, accueillir 5 000 réfugiés supplémentaires. Dans les mois à venir, une nouvelle série de 5 000 réfugiés sera admise en fonction des possibilités d’hébergement et du rythme d’insertion dans la communauté nationale de la vague actuelle des réfugiés.

En présentant les vues de la France, M. François-Poncet a fait observer que leur mise en œuvre ne saurait régler tous les problèmes qu’affronte l’Asie du Sud-Est, à commencer par celui du Cambodge. À ce propos, il a lancé un appel pressant à la Communauté internationale pour qu’elle accorde sans délai une aide alimentaire qui serait distribuée, sur place, à tous les Cambodgiens sans distinctions, par le Comité international de la Croix-Rouge.

En concluant, il a déclaré que la région ne saurait trouver enfin l’équilibre et la prospérité auxquels elle a droit après tant d’épreuves si l’intégrité territoriale, l’indépendance et la personnalité de chacune des Neuf nations que la composent n’étaient pas scrupuleusement respectées par tous les États.

Monsieur CARLOS P. ROMULO, Ministre des Affaires étrangères des Philippines, a rappelé les difficultés auxquelles doivent faire face les pays de l’Association des Nations du Sud-Est asiatique (ANASE2), dont son pays est membre, du fait de l’énorme afflux des réfugiés indochinois sur leurs territoires.

Le problème des réfugiés est un problème de conscience qui nous touche tous au plus profond de nous-mêmes, a-t-il dit. Mais la conscience en l’occurrence, est à double tranchant. Elle devrait s’exercer aussi à l’égard des pays de premier accueil dont les modestes ressources sont épuisées par les secours élémentaires qu’ils apportent aux réfugiés. « Quand la limite est atteinte, les sentiments humanitaires, comme la charité, commencent par s’exercer vis-à-vis de soi-même », a poursuivi M. Romulo.

La situation actuelle ne peut que provoquer de dangereuses tensions politiques et sociales dans les pays de premier accueil qui appartiennent à l’ANASE, et ce devrait être là un sujet d’inquiétude pour les pays qui ont intérêt à ce que l’ANASE reste forte et stable.

M. Romulo a demandé : que les réinstallations soient accélérées et augmentées en volume; que les contributions financières au HCR soient plus importantes; que soient créés un plus grand nombre de centres d’acheminement; que d’autres pays en développement acceptent la réinstallation de réfugiés indochinois chez eux, avec l’aide financière de la communauté internationale; que l’on fasse le même cas des réfugiés se trouvant à bord des navires que de ceux qui sont à terre; et que l’on recherche à coopérer avec le Vietnam pour régulariser l’afflux des réfugiés et créer des centres d’acheminement au Vietnam même.

Le Ministre des Affaires étrangères des Philippines a lancé un appel à la communauté internationale pour que soient trouvées des solutions rapides au problème des réfugiés, et particulièrement au Vietnam pour qu’il prenne les mesures nécessaires à l’arrêt de l’exode de ses nationaux.

Il s’est félicité de la déclaration du représentant de la France, qu’il a qualifiée de « complète et pratique ».

L’annonce faite par M. Romulo aux participants à la que la capacité d’accueil du centre d’acheminement de Tara sera portée de 7 à 10 000 personnes, et qu’un nouveau centre sera créé aux Philippines pour les réfugiés indochinois, d’une capacité totale de 50 000 personnes a été accueillie par des applaudissements.

Monsieur ARNALDO FORLANI, Ministre Italien des Affaires étrangères, soulignant que l’Italie a fait preuve de solidarité à l’égard des réfugiés de l’Asie du Sud-Est après avoir reçu déjà plus de 120 000 réfugiés de pays d’Europe de l’Est, sans compter des réfugiés d’Amérique latine, a déclaré que l’Italie est consciente du rôle que doit jouer la communauté internationale pour alléger dans toute la mesure du possible le fardeau qui pèse sur les pays confrontés au problème dramatique et urgent du premier accueil des réfugiés.

Le représentant de l’Italie a annoncé que son pays s’est engagé à faire une contribution volontaire de 736 000 dollars au Haut-Commissariat pour les réfugiés en plus des 783 000 dollars promis pour 1979, ainsi que 117 000 dollars par l’intermédiaire de la Commission nationale pour l’Année internationale de l’Enfant.

Par ailleurs, l’Italie est disposée, entre autres, à mettre une équipe médicale à la disposition du Haut-Commissaire. Après avoir énuméré les autres contributions italiennes, M. Forlani a donné l’assurance que tous les réfugiés indochinois, en Italie, à commencer par le premier contingent de 1 000, peuvent compter qu’ils seront réinstallés en jouissant du même statut social que les ressortissants italiens.

Monsieur S. RAJARATNAM, Ministre des Affaires étrangères de Singapour, a estimé qu’étant donné la manière dont est structurée cette Conférence, il ne semble pas qu’elle aboutisse à davantage de succès que les deux Conférences qui l’ont précédée. Comme celle-ci, elles n’ont porté que sur les aspects humanitaires du problème. Elles n’ont pas tari l’afflux des réfugiés. Elles ont plutôt contribué à l’augmenter.

« Une fois de plus, il nous est demandé de jouer Hamlet sans le fantôme », a-t-il dit, mais par égard aux organisateurs de cette Conférence, la délégation de Singapour se conformera à cette règle, mais elle publie un fascicule qui aborde les autres aspects du problème, et ces aspects-là sont en fait ceux qu’il faut traiter si l’on veut trouver une solution. Le fascicule comprend des extraits des déclarations et des conclusions de la réunion des Ministres des Affaires Étrangères de l’ANASE, l’an dernier à Bali.

« Puisque nous ne sommes pas autorisés à blâmer le pays dont les réfugiés sont originaires », a dit M. Rajaratnam, nous voudrions demander plus d’égard pour les pays qui sont obligés d’accueillir les réfugiés et de les rejeter ensuite.

L’arrêt immédiat de l’exode des réfugiés du Vietnam, du Laos et du Kampuchéa constituerait une contribution majeure, décisive et sine qua non à la solution du problème. Il faut également installer de façon permanente les quelques 400 000 réfugiés qui se trouvent à l’heure actuelle dans les pays de l’ANASE et dont la présence constitue un danger politique, économique et social pour ces pays et contient le germe de conflits raciaux.

M. Rajaratnam s’est félicité de ce que les dirigeants vietnamiens soient conscients de la charge imposée aux pays de l’ANASE et a exprimé l’espoir que d’autres vietnamiens ne viendront pas encore alourdir cette charge.

Les 400 000 réfugiés dans les pays de l’ANASE devraient être placés prioritairement. Quant aux 600 000 qui attendent encore au Vietnam, ils devraient être acheminés à partir de ce pays lui-même.

S’il n’y a pas de nouvel afflux de réfugiés, de nouveaux centres d’acheminement ne sont pas nécessaires. Ils le seront si la générosité certaine dont ont fait preuve moins d’une demi-douzaine de pays n’est pas manifestée aussi par d’autres pays dont la volonté politique n’est peut-être pas à la hauteur de leurs passions. La réticence des pays de l’ANASE s’expliquerait alors par leur peur d’avoir à porter tout seuls le fardeau.

M. Waldheim a déclaré qu’il n’était pas aussi pessimiste que le représentant de Singapour et a insisté sur le fait que si toutes les délégations abordaient cette réunion avec un esprit positif, il serait possible de parvenir à une solution pratique.

ÀÀ la suite du discours du Ministre des Affaires Étrangères du Singapour, le Secrétaire Général Kurt Waldheim a dit : « Permettez-moi de souligner que, contrairement à l’impression que l’intervenant précédent a laissé, il y a déjà eu des gestes considérables d’appui supplémentaire pour aider à gérer le problème des réfugiés. C’est tout le but de notre Conférence. Je ne suis pas aussi pessimiste que le Ministre des Affaires Étrangères de Singapour. » 

« Pourquoi dire au tout début de la Conférence qu’elle échouera, qu’elle ne produira pas plus que les conférences précédentes, qui étaient des conférences différentes de celle présentement organisée à un si haut niveau et avec de si bonnes intentions témoignées par la plupart des discours entendus ce matin. » 

« Je souhaite mettre les choses au clair : en ce qui concerne ce débat, je suis confiant que si toutes les délégations abordent notre travail d’un esprit constructif, nous pouvons, en effet, offrir une contribution majeure, non seulement une contribution majeure, mais de parvenir à une véritable percée concernant cette terrible tragédie humanitaire. » 

Le Ministre belge des Affaires étrangères, M. HENRI SIMONET, a déclaré que les participants de la Conférence ne peuvent courir le risque de décevoir gravement l’opinion publique, qui attend à cette Conférence non des jugements ou des accusations, mais des mesures efficaces rencontrant les besoins pressants de centaines de milliers de réfugiés.
Après avoir indiqué que la Belgique compte actuellement près de 2 300 Indochinois qui jouissent pour la plupart du statut de réfugiés, il a annoncé qu’elle en recevra prochainement 2 000 autres dont l’accueil et l’intégration se feront aux frais de l’État. Le travail social considérable qu’exige un tel projet est confié à des agence bénévoles qui œuvrent en étroite collaboration avec les services publics belges et sous le contrôle du Haut Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés.

Indépendamment des réfugiés qui seront installés dans le cadre de ce programme de 6 à 700 réfugiés seront reçus dès qu’ils pourront quitter leur pays de résidence actuel, pour rejoindre les membres de leur famille déjà installés en Belgique.

En outre, le gouvernement belge accorde l’asile sur son territoire aux réfugiés naufragés qui sont recueillis par des navires belges.

D’autres mesures impliquant la Communauté toute entière s’imposent d’urgence, a déclaré M. SIMONET; tout d’abord, les pays d’origine des réfugiés devraient prendre des mesures appropriées afin que nul ne soit contraint de fuir leur territoire, et que ceux qui désirent émigrer, puissent le faire dans des conditions de dignité et de sécurité, et de façon ordonnée, selon un programme établi en accord avec le Haut Commissaire pour les Réfugiés et les pays d’accueil.

D’autre part, les pays de premier asile, en particulier les États voisins de l’ancienne Indochine, devraient être aidés par la Communauté internationale et il a exprimé l’espoir que ces pays ne repousseront pas de façon absolue l’idée, souhaitable pour toutes sortes de raisons, d’une intégration définitive sur leur territoire d’un nombre raisonnable de réfugiés.

En ce qui concerne les mesures pratiques qui à son avis serait de nature à résorber dans une grande proportion le problème des réfugiés du Sud-Est asiatique, M. Simonet a recommandé que les pays du Tiers-Monde soient encouragés à accueillir des réfugiés qui participeraient activement à leur développement économique et social, notamment dans les domaines agricole et sanitaire. Dans ce but, un fonds international devrait être créé grâce à des participations privées et publiques, notamment de la part des pays producteurs de pétrole et des pays industrialisés.

Le texte qui suit est une traduction libre effectuée par Yanko Kalem depuis la page web https://boatpeoplehistory.com/archives-3/kd/minutes-of-the-meeting/i/

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UN/Kurt Waldheim Files/ S-0987/ 0009/17. Press Release, Secretary-General Opens Meeting on Refugees and Displaced Persons in South-East Asia, 20 July 1979.

References

  1. Pour des raisons d'uniformité, nous avons utilisé l'orthographe « Vietnam » au lieu de « Viet Nam » tel que dans le texte original.
  2. Pour des raisons d'uniformité, nous avons utilisé le sigle « ANASE » au lieu de « ANSEA » tel que dans le texte original.