PROCHAIN ARRÊT :
LA CHINE


Après avoir visité le Viet Nam, Kurt Waldheim se dirigea vers Pékin le 30 avril 1979. Ce n’était pas sa première visite à la République Populaire de Chine. Il était également le premier officiel des Nations Unies à visiter la Chine en 1972 après son admission dans l’organisation.


CONFIDENTIEL
Note pour le dossier

NOTES AU SUJET D’UNE RENCONTRE DANS LE PALAIS DE L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE À PÉKIN LE 30 AVRIL 1979 À 9 HEURES

PRÉSENTS :

Secrétaire Général Waldheim
M. Rafeeuddin Ahmed
M. F. Mayrhofer-Grunbuhel
M. F. Giuliani

Ministre des Affaires Étrangères Huang Hua
M. Chang Wen Ching, Vice-Ministre du Ministère des Affaires Étrangères
M. Lin Ching, Directeur du Département pour la Coordination Internationale, les Conférences, le Droit et les Traités
M. Tien Chin, Directeur Adjoint du Département pour la Coordination Internationale, les Conférences, le Droit et les Traités
M. Fu Shun Ho, Vice-Directeur du Département pour le Protocole, Ministère des Affaires Étrangères
Un fonctionnaire

Le Ministre des Affaires Étrangères a accueilli le Secrétaire général, a qualifié sa visite d’opportune et a exprimé son profond intérêt de connaître l’opinion du Secrétaire général au sujet des problèmes mondiaux.

Le Secrétaire général a remercié la Chine de son invitation et l’a félicitée pour son intérêt croissant dans les affaires de l’Organisation mondiale. Au cours de ce tour d’horizon, il donna son avis sur les développements récents concernant le Moyen-Orient (le traité de paix entre l’Égypte et l’Israël) et le futur rôle de l’ONU à cet égard, sur l’état des choses dans le sud de l’Afrique (la Rhodésie du sud et la Namibie) et particulièrement sur les développements en Indochine, qui suscitaient une grande inquiétude pour les Nations Unies.

Concernant l’Indochine, il a récapitulé ce qui s’était produit au Conseil de Sécurité en janvier et février et souligna l’appréhension des pays de l’ANASE par rapport aux politiques du Vietnam. Les craintes des pays de l’ANASE étaient basées premièrement sur le fait que le Viet Nam avait envahi le Kampuchéa, après que le Premier Ministre Pham Van Dong avait donné ce que les pays de l’ANASE avaient interprété, comme une garantie que le Vietnam ne ferait rien de la sorte. Bien qu’il n’y ait pas eu un soutien pour les politiques du régime Pol-Pot, il y avait le sentiment général que l’intervention armée dans des affaires domestiques n’était pas justifiée. Le Secrétaire Général a relaté en détail ce que le Premier Ministre Pham Van Dong lui avait expliqué, affirmant en particulier que le Kampuchéa était « un cas différent et spécial ». Le Premier Ministre avait également soulevé la question de l’Ambassadeur Prasith et avait – pour le moment – rejeté l’idée d’une conférence sur l’Indochine. Il avait refusé d’accepter tout lien entre le conflit sino-vietnamien et l’affaire kampuchéenne. Le Vietnam craignait une deuxième attaque de la Chine mais continuerait à négocier avec patience et persévérance. Bien que le Premier Ministre ait dit qu’il n’était pas question d’une mission de bons offices par l’ONU, il s’est dit favorable à toute assistance que le Secrétaire Général serait en mesure d’offrir dans sa capacité personnelle.

Le Secrétaire général a également soulevé la question de la plainte laotienne au sujet de l’occupation chinoise alléguée d’une partie du Laos, ainsi que le problème des réfugiés. Le Ministre des Affaires Étrangères malaisien l’avait prié de vérifier avec le Gouvernement chinois si ce dernier était prêt à recevoir des réfugiés d’origine chinoise.

Le Ministre des Affaires Étrangères Huang Hua a remercié le Secrétaire général pour son exposé et, en particulier, pour sa présentation détaillée du problème indochinois qui lui a été très utile.

À son avis, la situation internationale était tendue. Les facteurs pouvant mener à la guerre s’étaient multipliés. Les États-Unis prenaient une position défensive tandis que l’Union soviétique – en raison d’un changement de l’équilibre des pouvoir – avait adopté une position offensive. Les pays occidentaux ont accepté l’illusion d’une détente, du désarmement et de l’échange technologique avec l’URSS. C’était naïf et ceci a joué en la défaveur de l’Occident. Comment concilier les résultats de la conférence européenne sur la sécurité avec la présence de forces cubaines en Afrique ? Les accords de désarmement ayant été conclus jusque là avaient réduit la suprématie militaire américaine à un équilibre des pouvoirs qui penchera bientôt en faveur de l’Union soviétique. L’expérience des dernières douze années nous ont montré que « plus on parle de désarmement, plus l’armement prend de l’ampleur et plus la position de l’Occident se détériore ». Il était inutile d’essayer de limiter les projets agressifs de l’Union soviétique par des négociations de désarmement. Des mesures pratiques devaient être prises, telles que le nouveau traité sino-japonais, la normalisation entre la Chine et les États-Unis et particulièrement l’action chinoise contre la politique expansionniste du Vietnam, entreprise en collusion avec l’Union soviétique.

La stratégie de l’Union soviétique, s’appuyant sur la détente, sur le désarmement et sur la « coopération » économique, a réussi à apaiser l’Europe; mais pendant ce temps, la superpuissance a multiplié ses actions périphériques. Le Cuba s’est fait utiliser comme un outil pour intervenir en Angola, Zaïre et en Éthiopie. Même, les Cubains n’ont pas hésité à intervenir dans les affaires domestiques de ce dernier État (Érythrée) dans l’optique d’obtenir le contrôle soviétique de la mer Rouge. L’agression soviétique s’étendait vers l’Asie occidentale; le Yémen, l’Afghanistan et l’Iran (profitant du mécontentement de la population iranienne). L’Union soviétique exerçait son influence en Inde et au Pakistan afin de réaliser son objectif traditionnel d’atteindre l’océan Indien au sud. Tirant profit du problème des minorités au Pakistan, l’Union soviétique a essayé de morceler davantage l’État. Par une série de traités, elle voulait contraindre certains de ces pays à l’alliance agressive du Pacte de Varsovie (par exemple l’Éthiopie, l’Afghanistan). C’est seulement récemment que l’Union soviétique a tenté d’invoquer le Pacte de Varsovie en dehors de sa sphère d’influence. Cependant, la Roumanie s’y opposait vigoureusement.

La politique agressive du Vietnam reflétait l’attitude soviétique. Il était nécessaire pour le Tiers-monde et l’Occident d’ériger un front commun pour s’opposer à l’expansion soviétique. Le fait qu’un petit pays comme le Cuba ait pu maintenir des forces de 50 000 en Afrique et dans le Moyen-Orient est très dangereux. L’absence de réaction du monde occidental a encouragé l’Union soviétique. En même temps, elle augmentait l’insécurité dans les pays du Tiers-monde. Dans cette partie du monde aussi, les critiques venant des forces s’opposant à l’agression soviétique-cubaine sont devenues plus véhémentes (par exemple la politique de la Tanzanie à l’égard de l’Ouganda).

Moyen-Orient :
Le Moyen-Orient était un théâtre d’opérations majeur où l’Union soviétique déployait ses efforts pour réaliser son hégémonie. Grâce à l’importante situation stratégique de la région et à ses ressources pétrolières, celui qui la contrôlait, aurait une influence décisive dans le monde. En raison des insuffisances apparentes dans le traité entre l’Égypte et l’Israël, plusieurs pays — les amis de l’Égypte parmi eux — avaient été forcés à prendre la position catégorique d’une ligne radicale. Le traité était loin de régler les problèmes du Moyen-Orient, mais il faudra attendre pour voir comment les choses évoluent. Les États-Unis et l’Occident devraient exercer une forte pression sur Israël pour l’amener à adopter une attitude raisonnable. Si les États-Unis et l’Occident feraient céder Sadat sur ses trois points (colonisation en général, droits palestiniens, retrait de l’Israël), l’Égypte deviendrait isolée et la position de Sadat affaiblie. La Chine appuyait toujours les demandes de pays arabes et du peuple palestinien. Si ses journaux avaient couvert le traité sans faire de commentaires critiques, c’était parce que la Chine comprenait la situation difficile du Président Sadat et de son pays qui devaient endurer un grand sacrifice et avait un besoin sérieux de paix pour améliorer la situation économique. La Chine était amie des deux camps dans le conflit inter-arabe et continuerait à travailler pour l’unité arabe.

Indochine :
Le Vietnam avait toujours voulu exercer un contrôle sur l’Indochine. Aussitôt la guerre contre les États-Unis finie, le Vietnam a entamé ce projet. Il a connu un succès au Laos, mais a buté sur une opposition au Kampuchéa. Par conséquent, le Vietnam a dû recourir à une agression ouverte.
Profitant de l’ambition vietnamienne, l’Union soviétique avait incité cette agression et fourni un appui important. Aux yeux de l’Union soviétique, l’Indochine devrait être transformée en une base militaire soviétique pour faire avancer l’action dans l’Asie du Sud-Est.
La Chine ne pouvait pas tolérer l’ambition hégémoniste vietnamienne. Le Vietnam avait ainsi fait dégrader systématiquement la relation entre les deux pays.
Les Vietnamiens étaient les Cubains de l’Asie, mais en plus dangereux. Durant le conflit limité sur la frontière, la Chine avait capturé plusieurs documents prouvant que le Vietnam se voyait comme la troisième puissance militaire au monde et comme étant « invincible ». Même durant la guerre contre les États-Unis, le Vietnam s’était préparé pour une agression contre la Chine, bien qu’il avait reçu un appui significatif de ce dernier pays.
Concernant les négociations entre les deux pays, le point de contentieux s’expliquait par le fait que le Vietnam voulait restreindre la portée des discussions pour n’inclure que la dispute de frontière avec la Chine, tandis que la Chine croyait que d’autres problèmes s’y rattachaient.
Le Vietnam disait qu’il était non-aligné et pacifique. Cependant, au même moment, il avait formé une alliance militaire avec une super-puissance et avait autorisé l’utilisation de son territoire comme base pour mener une action contre d’autres pays asiatiques. Naturellement, le Vietnam devrait retirer ses troupes du Kampuchéa. La théorie vietnamienne selon laquelle le Laos et le Kampuchea étaient des cas spéciaux était « une reproduction de la doctrine Brejnev sur la souveraineté limitée ».
Le modèle de stratégie soviétique était a) d’avancer vers le Sud-Est à partir du golfe Persique, b) d’utiliser l’Indochine comme une base pour une avancée vers l’Asie du Sud-Est (le Vietnam avait déjà directement menacé la Thaïlande) et c) de joindre les deux avancées en prenant le contrôle du détroit de Malacca.
Que la Chine occupe une partie du Laos était un mensonge, inventé par l’Union soviétique et le Vietnam.
Avec son intervention au Vietnam, la Chine avait parvenu « à faire exploser le mythe de l’invincibilité de ce pays ». La Chine était très sceptique de la sincérité du Vietnam dans les négociations.

 Nations Unies :
La Chine était satisfaite avec la coopération entre sa mission et le Secrétaire général, ainsi que les divers corps de l’ONU. Elle espérait que cette coopération, basée sur les principes de la Charte des Nations Unies, continuera de développer. Le Ministre des Affaires Étrangères a exprimé sa reconnaissance pour la nomination de M. Bi Jilong en tant que Vice-secrétaire général responsable du Department of Technical Cooperation for Development.

Le Secrétaire général a affirmé que les Nations Unies étaient intéressées à continuer la coopération constructive qui avait été établie avec la Chine.

Le texte qui suit est une traduction libre effectuée par Yanko Kalem depuis la page web https://boatpeoplehistory.com/archives-3/kd/kurt-waldheims-visit-to-china/

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UN/Kurt Waldheim Files/ S-0987/0008/14. Notes on a Meeting in the Great People’s Palace in Peking on 30 April 1979, 9 A.M.